Ehoura Aya Loth Gisèle : Une jeune leader ivoirienne qui redéfinit le pouvoir des filles dans la tech et le social

📌Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Ehoura Aya Loth Gisèle, jeune cheffe de projet ivoirienne et présidente de Girl Up Côte d’Ivoire, une initiative du mouvement Girl Up, fondé par la Fondation des Nations Unies en 2010 pour développer le leadership des jeunes filles à travers le monde. Nous existons officiellement en Côte d’Ivoire depuis trois ans maintenant.
Je suis aussi étudiante en Data/IA et en Économie Internationale. Et en parallèle de mon engagement associatif, j’occupe le poste de cheffe de projet tech chez Studio Tequoia.
Mais au-delà des titres, je suis profondément passionnée par l’impact social. J’aime booster, j’aime relever. Je crois profondément que tout part de là : apprendre à se connaître. Parce que quand tu sais qui tu es, tu n’as plus peur.
📌Comment avez-vous construit votre carrière ?
Tout est parti d’un feu intérieur, né dans une enfance difficile.
Je n’ai pas grandi avec les mêmes privilèges que d’autres, mais je me suis promis une chose : me battre pour avoir ce que mes parents n’ont pas pu m’offrir. Pour moi, pour eux, pour mes enfants, et pour toutes celles et ceux qui, comme moi, n’ont pas eu la chance.
Je voulais être celle qui élève, pas celle qui rabaisse. Et je n’ai pas attendu que tout soit prêt pour commencer. J’ai appris sur le terrain, j’ai lancé des projets, j’ai pris la parole, j’ai essayé, échoué parfois, mais toujours recommencé.
📌Pourquoi avoir choisi ce domaine ?
Parce que je sais ce que c’est que de manquer. Et je sais aussi ce que ça fait quand quelqu’un croit en toi.
J’ai choisi ce domaine pour créer des espaces où les jeunes, surtout les filles, peuvent s’élever. Pour qu’on parle santé mentale, leadership, tech, et confiance en soi. Pour leur dire : tu peux. Tu as le droit. Tu as ta place.
Mon objectif, c’est de créer ce que je n’ai pas eu. Et de le faire avec le cœur.
📌Quels sont vos projets et ambitions pour l’avenir ?
Je veux aller plus loin.
J’ai déjà pu coordonner des projets à Abidjan, toucher des centaines de jeunes. Mais aujourd’hui, mon ambition est d’étendre ces actions dans les villes de l’intérieur. C’est pour cela que nous préparons actuellement, avec une équipe dédiée, le projet Elles Aussi : une grande tournée nationale d’engagement social, qui commencera par une phase pilote à Yamoussoukro, ma ville de cœur.
L’objectif : créer des espaces d’échange, valoriser les rôles modèles locaux, transmettre des outils et donner la parole aux filles souvent éloignées des projecteurs. Je ne veux pas que ce soit un simple événement, mais un mouvement national, où chaque ville visitée porte ses propres voix, ses propres visages.
En parallèle, je développe un autre projet plus intime et profond : Heaven. C’est une initiative axée sur la santé mentale, le développement personnel et l’empowerment des jeunes. En attendant l’ouverture d’un lieu physique prévu pour 2026, nous avons commencé à produire du contenu digital (podcasts, vidéos, actions ponctuelles) pour semer, petit à petit, des graines de guérison, d’estime de soi et de motivation.
Ces deux projets ont chacun leur équipe, leur rythme, leur identité. Mais ils portent une même vision : faire en sorte que chaque jeune, peu importe d’où elle vient, sache qu’elle peut rêver, qu’elle peut construire, qu’elle peut réussir.
Et pour les faire grandir, j’ai besoin d’aide. De partenaires, de structures, de personnes engagées prêtes à marcher à nos côtés. Que ce soit en soutien, en visibilité, en mentorat ou en financement : je suis ouverte à toutes les synergies positives. Parce qu’on n’élève jamais un projet seul. On le construit ensemble.
📌Y a-t-il un moment ou un événement qui a marqué un tournant dans votre vie ?
Oui. Le jour où une fille est venue me voir à l’anniversaire de notre club, le 8 mars. Elle m’a dit que grâce à notre première activité de l’année sur la santé mentale, elle avait décidé… de ne pas se suicider.
Je savais que j’avais un impact. Mais je ne mesurais pas à quel point. Depuis ce jour, je ne vois plus mon engagement comme avant. Je reçois souvent des messages, sur TikTok, après les panels. Mais ce témoignage-là m’a bouleversée.
Ce n’est pas juste des activités qu’on fait. On touche des vies. On les sauve parfois.
📌Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent réussir
Arrêtez d’attendre qu’on vous valide. Croyez en vous, même quand personne ne vous applaudit.
Avancez, même en ayant peur. La peur ne doit pas être un frein, mais un signal qu’il est temps de grandir.
Et surtout : ne doutez jamais de l’impact que vous pouvez avoir. Un mot, une présence, peut suffire à réveiller une vie.
📌Comment percevez-vous la place de la femme dans votre domaine et dans votre pays ?
Les femmes sont présentes. Fortes. Inspirantes. Mais encore trop souvent invisibles.
Dans la tech comme dans le développement, on attend parfois qu’on nous invite à la table. Moi, je crois qu’il faut qu’on construise nos propres tables.
Heureusement, les choses changent. J’ai vu des filles prendre la parole, créer, entreprendre. Il faut juste qu’on continue à les soutenir, surtout celles qu’on ne voit pas.
📌Que pensez-vous du site ?
C’est un espace nécessaire. Ce genre de plateforme nous permet de raconter nos histoires avec nos mots. Et ça, c’est précieux. Merci de nous offrir une vitrine humaine, sensible et impactante.
📌Un dernier message à partager avec notre audience ?
Prenez conscience de l’impact que vous avez.
Un mot, un conseil, une présence peut suffire à réveiller une vie.
Soyons de celles et ceux qui relèvent, pas qui rabaissent.
Et n’oubliez pas : on peut commencer petit, avec peu. Mais quand c’est fait avec le cœur, ça peut changer des vies. Je suis la preuve vivante de ça.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juin 2025
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