Soumaya El Joundi : du théâtre familial à la communication institutionnelle

📌Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Soumaya El Joundi, je suis chargée de communication au sein du Conseil national de la presse. Mon rôle consiste à concevoir et mettre en œuvre des stratégies de communication institutionnelle, à coordonner des projets de sensibilisation autour des droits numériques, de l’éthique journalistique, ainsi qu’à promouvoir l’image du Conseil auprès du public et des partenaires. Mon travail s’inscrit dans une démarche de valorisation des valeurs éthiques et de soutien au secteur médiatique national.
📌Comment avez-vous construit votre carrière ?
Ma carrière s’est construite progressivement, portée par un intérêt profond pour les enjeux sociaux, la place des femmes dans l’espace public et le rôle des médias dans la transformation des mentalités. J’ai d’abord mené un travail de terrain sur le mariage des mineures au Maroc, à travers des entretiens avec des victimes, que j’ai ensuite partagé dans un article publié sur Morocco World News. Cette publication a marqué un tournant en me permettant d’ouvrir des portes à l’échelle associative et académique.
J’ai ainsi été nommée présidente du chapitre marocain de l’ONG « Unity for Equality », basée aux États-Unis, et invitée à intervenir à la Fatima Al-Fihri Open University pour une conférence sur la représentation des femmes dans les médias.
Dans la continuité de cet engagement, j’ai intégré le Master en Communication et Médias Digitaux à l’Université Al Akhawayn, avec une spécialisation en relations publiques. Mon mémoire portait sur le discours féministe dans les médias post-printemps arabe, avec une étude de cas centrée sur la chaîne Al Jazeera. Ce travail m’a permis de croiser analyse critique, enjeux de genre et traitement médiatique, dans une perspective à la fois régionale et globale.
Aujourd’hui, en tant que chargée de communication au Conseil national de la presse, je poursuis cette dynamique avec la volonté de mettre la communication au service de l’éthique, de la visibilité des femmes et de l’évolution des pratiques médiatiques.
📌Pourquoi avoir choisi ce domaine ?
Je suis née dans une famille profondément ancrée dans l’univers artistique, entourée d’acteurs, de réalisateurs et d’hommes de théâtre. Dès mon enfance, j’ai eu la chance de faire mes premiers pas sur scène aux côtés de mon père, Hassan El Joundi, et de mon oncle, feu Anouar El Joundi. Les enseignements de mon grand-père, Mohamed Hassan El Joundi, ont profondément façonné ma perception de l’expression et de l’engagement culturel.
Le théâtre m’a appris très tôt l’importance d’avoir une voix et de l’utiliser avec conscience. Pourtant, mon rêve le plus intime a toujours été de devenir journaliste, d’exprimer à travers l’écriture ce que la scène ne pouvait parfois pas dire. Grâce à Morocco World News, où j’ai eu l’opportunité de publier mes premiers écrits, puis à mes diverses expériences au sein d’institutions médiatiques, j’ai pu concrétiser ce rêve et enrichir mon parcours.
Aujourd’hui, je me considère privilégiée d’évoluer au sein du Conseil national de la presse, sous la direction d’un journaliste éminent comme M. Younes Mjahed, et entourée de membres remarquables issus du monde journalistique.
Ce domaine n’est pas pour moi un simple métier: c’est une vocation. La communication et le journalisme sont des responsabilités nobles, qui exigent discipline, déontologie et respect profond de la vérité. Je suis profondément engagée à honorer la voix qui m’a été donnée, en la mettant toujours au service d’un message juste et porteur de sens.
📌Quels sont vos projets et ambitions pour l’avenir ?
En parallèle de mon engagement au sein du Conseil national de la presse, je poursuis activement un projet personnel qui me tient particulièrement à cœur : l’écriture.
Je viens d’achever mon premier roman, intitulé « The Wake of Aether », un thriller psychologique qui explore les dérives éthiques des expérimentations scientifiques menées au nom du progrès.
À travers cette œuvre, j’ambitionne d’ouvrir une réflexion universelle sur les limites de la science face aux droits humains, en mêlant suspense, psychologie et critique sociale.
Mon objectif est de faire rayonner ce projet à l’échelle internationale : la version originale est en anglais, et je travaille actuellement à sa traduction en français, arabe, espagnol, turc et coréen, afin de toucher un lectorat aussi large que possible.
À plus long terme, je souhaite continuer à développer des projets d’écriture et de communication qui défendent l’éthique médiatique, la liberté d’expression, et surtout la représentation juste et équitable des femmes dans les médias.
Je suis convaincue que le regard porté sur les femmes dans les contenus médiatiques influence profondément les perceptions sociales, les mentalités et l’accès à l’égalité réelle.
À travers mes futures initiatives, je souhaite contribuer à promouvoir une image authentique, plurielle et forte des femmes, en valorisant leur présence, leur parole, et leur rôle de protagonistes dans l’espace médiatique, loin des stéréotypes réducteurs.
Je crois profondément que le pouvoir des mots et des images peut ouvrir la voie à un changement durable, en offrant aux femmes la place qu’elles méritent : celle d’actrices, de penseuses et de leaders dans la construction de notre paysage médiatique et culturel.
📌Y a-t-il un moment ou un événement qui a marqué un tournant dans votre vie ?
Oui. Le moment où j’ai décidé d’écrire et de partager mes idées avec le monde a été un véritable tournant.
Pendant longtemps, je ressentais profondément l’envie de m’exprimer sur des sujets qui me touchaient, mais je n’osais pas franchir le pas. C’est grâce à l’encouragement sincère d’une amie que j’ai trouvé la force de le faire. Son regard bienveillant, sa confiance et ses mots m’ont rappelé à quel point la solidarité entre femmes peut être puissante.
Dans nos sociétés, où la voix féminine est parfois encore mal interprétée ou minorée, en particulier dans certaines régions rurales, il est essentiel que les femmes se soutiennent, s’élèvent et s’encouragent mutuellement à occuper l’espace public, à partager leurs idées, et à défendre leur vision du monde.
Cet instant de confiance partagée m’a appris que chaque mot prononcé, chaque idée exprimée par une femme, est une victoire collective, une étape vers une société plus équilibrée.
Depuis ce jour, je suis convaincue qu’aucune réussite personnelle ne peut véritablement s’épanouir sans la solidarité et l’encouragement que les femmes peuvent se témoigner entre elles.
📌Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent réussir
Le premier conseil que je donnerais est de croire profondément en soi. Aucune idée n’est stupide, aucun rêve n’est trop grand. Chaque pensée, chaque projet mérite d’être exploré et porté avec conviction. Il ne faut jamais minimiser ses aspirations sous prétexte qu’elles semblent différentes ou ambitieuses.
Dans un monde où les défis existent encore pour les femmes, la foi en ses propres capacités est souvent le premier pas vers la réussite. Si vous croyez que vous êtes capable de faire quelque chose, alors vous l’êtes déjà à moitié.
« No risk, no story » : il faut oser sortir de sa zone de confort, prendre des risques calculés et apprendre de chaque expérience, même des échecs. Chaque parcours est unique, et c’est en osant que l’on écrit sa propre histoire.
Je crois également que les femmes excellent dans tous les domaines, lorsqu’elles s’autorisent à y croire et à investir pleinement leur potentiel. La diversité des talents féminins est une richesse immense, et elle mérite d’être affirmée avec fierté.
Enfin, je crois profondément au pouvoir de la solidarité féminine : tendre la main, échanger, apprendre des expériences d’autres femmes, et à son tour soutenir celles qui avancent. Le succès n’est jamais purement individuel. C’est en unissant nos forces, en partageant nos expériences et nos encouragements, que nous parvenons non seulement à réussir, mais aussi à créer un environnement où d’autres femmes pourront également s’épanouir.
📌Comment percevez-vous la place de la femme dans votre domaine et dans votre pays ?
La représentation de la femme dans le domaine médiatique au Maroc a connu une évolution progressive au fil des années, mais elle demeure encore en quête de pleine reconnaissance et d’égalité. Aujourd’hui, les femmes sont de plus en plus présentes dans les médias : elles occupent des postes de journalistes, de présentatrices, de productrices ou encore de communicantes. Cependant, cette visibilité reste parfois superficielle, car les défis en termes d’accès aux postes de décision, de diversité de représentations, et de lutte contre les stéréotypes persistent.
Dans un pays riche de ses traditions mais aussi en mutation constante, les femmes doivent souvent redoubler d’efforts pour se faire entendre pleinement dans un espace médiatique encore largement façonné par des logiques patriarcales. Si dans les grandes villes l’évolution est notable, dans certaines zones rurales ou plus conservatrices, la voix féminine dans les médias reste parfois marginalisée ou cantonnée à des rôles attendus.
Néanmoins, il serait réducteur de s’arrêter aux obstacles. De nombreuses femmes marocaines, par leur professionnalisme, leur créativité et leur persévérance, redéfinissent peu à peu les contours du paysage médiatique. Elles imposent leur voix non pas dans l’opposition ou le conflit, mais par l’excellence de leur travail, par leur capacité à porter des récits authentiques, à briser les clichés et à ouvrir des espaces de dialogue plus inclusifs.
À titre personnel, travailler dans le domaine de la communication institutionnelle m’a permis de mesurer à quel point il est essentiel de promouvoir une image équilibrée, respectueuse et diversifiée de la femme dans l’espace public. Il ne s’agit pas seulement d’offrir une visibilité, mais de reconnaître pleinement les femmes comme productrices de contenu, penseuses d’idées, et actrices majeures du changement social.
Je suis convaincue que les médias ont un rôle fondamental à jouer pour accompagner cette dynamique. La véritable avancée sera atteinte lorsque la présence des femmes dans les médias ne sera plus perçue comme une exception ou un symbole, mais comme une évidence naturelle, dans toute la richesse et la diversité de leurs expériences.
La responsabilité qui nous incombe aujourd’hui, en tant que professionnels des médias et de la communication, est donc double : renforcer la place des femmes et garantir que leur parole soit entendue avec la même légitimité, la même considération et la même puissance que celle de leurs homologues masculins.
C’est ainsi que nous pourrons construire un paysage médiatique marocain plus juste, plus représentatif, et plus en phase avec les aspirations d’une société moderne et inclusive.
📌Que pensez-vous du site ?
Je trouve que votre site apporte une réelle valeur ajoutée dans le paysage médiatique en mettant en lumière des parcours inspirants, en ouvrant des espaces de réflexion, et en valorisant des initiatives individuelles et collectives qui mériteraient davantage d’attention.
Votre plateforme incarne une vision moderne et inclusive de la communication : celle qui ne se contente pas de rapporter des faits, mais qui célèbre les histoires, les talents et les aspirations.
Ce qui me touche particulièrement, c’est l’opportunité précieuse que vous offrez à chacun d’avoir une voix. Vous permettez aux individus non seulement de partager leur cheminement, mais aussi de grandir à travers cet acte d’expression, de se révéler au monde et de prendre confiance en la valeur de leur contribution.
Dans un contexte où il n’est pas toujours facile de se faire entendre, votre travail agit comme un levier de promotion, d’encouragement et de rayonnement, essentiel pour tous ceux qui souhaitent porter leur message au-delà de leurs cercles immédiats.
Votre plateforme ne se contente pas de donner la parole : elle amplifie les voix, elle sème des graines d’inspiration et bâtit un espace où les idées peuvent germer, s’échanger et influencer positivement d’autres parcours.
C’est un travail de fond, discret mais profondément transformateur, car il contribue à redessiner le paysage médiatique en l’ouvrant à davantage de diversité, de rêves, et d’engagements personnels.
À mes yeux, accompagner ainsi l’émergence de nouvelles voix, encourager les récits singuliers et offrir un espace d’expression authentique représente l’une des missions les plus nobles et les plus nécessaires du journalisme et de la communication aujourd’hui.
Je suis honorée de pouvoir m’inscrire à mon tour dans cet espace de dialogue, et je vous remercie sincèrement pour cette initiative qui, au-delà des mots, participe à construire un avenir plus ouvert, et plus inspiré
📌Un dernier message à partager avec notre audience ?
À toutes celles et ceux qui nous lisent, je voudrais dire ceci : croyez en votre voix.
Chaque idée, chaque rêve, chaque engagement a sa place et mérite d’exister.
Ne laissez jamais personne minimiser vos ambitions sous prétexte qu’elles sont différentes ou ambitieuses. Aucune idée n’est trop petite, aucun rêve n’est inaccessible, tant qu’il est porté avec foi, travail et sincérité.
Osez vous exprimer, osez prendre des risques, osez apprendre de vos erreurs et vous réinventer. Le chemin vers la réussite n’est jamais une ligne droite, mais chaque détour est une richesse supplémentaire.
Et surtout, souvenez-vous que la réussite est encore plus belle lorsqu’elle se partage. Tendez la main aux autres, encouragez, soutenez, inspirez.
La force collective que nous pouvons créer en nous soutenant les uns les autres est bien plus puissante que toutes les barrières que nous pouvons rencontrer.
Enfin, je voudrais dire que chaque voix compte, même celle qui hésite.
C’est en osant nous raconter, en osant prendre notre place, que nous participons chacun à notre échelle à bâtir un monde plus juste, plus ouvert, et plus humain.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Avril 2025
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