InterviewsLes femmes d'Afrique

Fatim Zahra Ettalbi

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– Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités

Je suis Fatim Zahra Ettalbi, cheffe d’entreprise.

Je suis née à Biougra, une petite ville Amazighe au sud du Maroc, où j’ai fait toutes mes études primaires. Ensuite, j’ai rejoint Sup de Co Marrakech pour mes études de commerce avant de partir à Grenoble pour obtenir une double diplomation et un master en Management à Grenoble École de Management [GEM].

– Et votre vie professionnelle

Après mes études, j’ai travaillé en France pendant trois ans dans le domaine de la mode, ce qui m’a permis d’acquérir une expérience précieuse dans le monde du retail avant de rentrer au Maroc pour fonder ma première entreprise.

Actuellement, je dirige deux entreprises. La première est spécialisée dans la création et la distribution de souvenirs marocains, mettant en valeur l’artisanat local. Nous travaillons principalement avec des coopératives dirigées par des femmes et composées de femmes, ce qui me tient particulièrement à cœur. Ma deuxième entreprise se concentre sur le développement et la distribution de marques cosmétiques internationales en Afrique du Nord.

Je suis également formatrice certifiée. J’accompagne des cadres et des dirigeants d’entreprises sur des domaines variés tels que le développement personnel, la communication, le management, le leadership et la vente.
Et voilà, en résumé, mon parcours et mes activités.

– Et pourquoi ce secteur d’activité

D’abord, c’est un mélange savoureux de hasard et d’instinct qui m’a conduite dans ce secteur. Pour vous donner une idée, après mon expérience professionnelle en France, j’ai fait un bref détour par Dubaï, où j’ai travaillé dans le monde de la construction. Malheureusement, cette aventure a été interrompue par la crise de l’époque (2009). Face à une décision cruciale – accepter une offre pour rejoindre les bureaux de la même boite en Arabie Saoudite ou rentrer au Maroc – j’ai opté pour le retour au pays. Comme c’était un retour improvisé, j’ai décidé de prendre une année sabbatique, durant laquelle j’ai travaillé en freelance sur divers projets, histoire de réfléchir à mon avenir.

Je n’étais pas particulièrement passionnée par le monde de la distribution, mais lors d’une réunion dans le cadre de mes activités freelance, j’ai rencontré un acteur du secteur de la grande distribution italienne. Il m’a proposé de faire du déstockage de produits en fin de série qu’il distribuait en Italie. Le projet m’a intriguée, et je me suis dit que cela me permettrait de rester occupée en attendant de préparer mon départ à l’étranger. J’ai donc commencé à vendre ces produits dans un petit local à Marrakech, loué pour l’occasion. Étonnamment, comme la boutique était à la sortie de la ville, tous les visiteurs des autres villes voulaient dupliquer notre concept dans leurs propres magasins. C’est ainsi que j’ai été attirée vers la distribution.

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Après quelques mois, j’ai découvert un marché prometteur pour les souvenirs marocains, étant donné qu’aucune marque marocaine ne s’y était encore aventurée, on trouvait beaucoup d’articles de souvenirs (souvent très similaires), mais pas forcément une marque à proprement parler. Et c’est ainsi que ma marque Zaïn a vu le jour.
Quant à la cosmétique, peu avant le Covid, j’ai eu un pressentiment que je devais diversifier tout en capitalisant sur le réseau que nous avions déjà construit. J’ai lu une étude qui m’avait beaucoup intriguée avec cette phrase mystérieuse : « La cosmétique ne connaît pas de crise. » Ma curiosité m’a menée dans des salons de cosmétique où j’ai rencontré la première marque internationale prête à faire confiance à quelqu’un sans expérience préalable dans le domaine. Avec le Covid, j’ai perdu 80 % de mon chiffre d’affaires en souvenirs, mais cela a eu un effet inattendu : cela m’a donné le temps de faire décoller ma deuxième entreprise. Et comme l’étude l’a prédit, la cosmétique a non seulement sauvé les emplois mais a aussi dynamisé notre élan. Aujourd’hui, après 13 ans dans la distribution, les deux activités prospèrent, et je rends grâce pour cela !

– Quels sont vos projets à venir ?

Je suis très enthousiaste à l’idée d’élargir notre présence à l’international. Nous avons de grands projets pour développer nos marques dans de nouveaux marchés, tout en restant proches de notre communauté de clients fidèles.

L’engagement social est aussi au cœur de notre mission. Nous poursuivrons nos initiatives pour soutenir les femmes dans le besoin à travers le réseau de coopératives avec lequel nous collaborons sur nos articles d’artisanat et souvenirs, en collaborant avec des organisations locales et en développant des projets qui ont un véritable impact.

– Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie

Ah, il y a tellement de moments marquants dans mon parcours, c’est difficile de tous les citer ! Mais je vais vous partager quelques-uns qui me viennent à l’esprit :

• Les spectacles de chant à l’école, où j’ai eu le plaisir de voir mon père en première rangée, m’applaudir comme si j’étais la star du show. C’était un moment simple mais précieux, rempli de soutien familial.

• Quitter mon cocon familial et tous les rêves que j’y avais construits pour aller les réaliser ailleurs. C’était comme sortir d’une zone de confort pour entrer dans une nouvelle aventure, avec un petit goût d’inconnu.

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• Mes longues heures de confinement à la bibliothèque de l’école pour essayer de combler le Gap avec les étudiants de la mission et des écoles privée. –

• L’organisation de ma première exposition à Biougra de produits artisanaux (j’étais encore étudiante). L’impact positif sur les artisanes et sur la ville a été un vrai coup de cœur, et une expérience qui m’a beaucoup appris.

• Mes débuts dans le bénévolat, qui ont été une école de vie enrichissante. J’y ai appris autant sur le développement personnel que professionnel.

• Les jobs étudiants, qui m’ont rapidement fait comprendre que la vie professionnelle a ses propres règles, souvent très différentes des théories apprises en classe. Un bon rappel que l’expérience est souvent le meilleur professeur.

• Mon premier VRAI boulot en France et la chance que j’avais de monter les échelons rapidement.

• Mon expérience inachevée à Dubaï, un épisode qui a été aussi inattendu que formateur. Bien que cela ne se soit pas déroulé comme prévu, cela a ouvert la voie à de nouvelles opportunités.

• Ma frustration, qui m’a finalement poussée à devenir entrepreneuse.

• Le lancement de ma propre marque qui m’a permis de concrétiser mes valeurs personnelles.

• Et enfin, les victoires et les échecs qui me motivent encore aujourd’hui. Chaque défi est une occasion de grandir et de continuer à avancer avec détermination.

– Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?

Je ne me sens pas vraiment à l’aise de donner des conseils, car chaque parcours est unique et dépend de nombreux facteurs personnels. Mais je peux partager quelques leçons que j’ai apprises au cours de mes 14 années d’entrepreneuriat, dans l’espoir que cela puisse inspirer d’autres femme.

• D’abord, trouver son talent sans se laisser influencer par les dictats sociaux : Pour moi, le talent, c’est faire quelque chose avec facilité, plaisir, et obtenir des résultats. Ça m’a pris du temps pour découvrir le mien, mais une fois que je l’ai trouvé, je suis devenue inarrêtable ! (Rires)

• Il est crucial de faire quelque chose qui nous ressemble vraiment. Cela vous fera gagner du temps et vous simplifiera la vie.

• Accepter les épreuves comme des opportunités de rebondir : Parfois, on se retrouve au fond du gouffre, mais ces moments difficiles peuvent nous propulser vers de nouveaux sommets.

• Être polyvalente et ne pas en avoir honte à l’être : Au début, je faisais tout moi-même – e la vente au porte-à-porte à la comptabilité, en passant par le service après-vente et la livraison. la direction générale était mon ultime mission. C’est économique et cela permet de maîtriser toute la chaîne de production, tout en étant capable d’intervenir à chaque étape.

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• Bien s’entourer : Avoir une bonne équipe n’est pas seulement une question de compétences, mais surtout d’attitude et d’état d’esprit. Être entourée de personnes positives, loyales et humaines est essentiel, car les compétences peuvent s’acquérir, mais l’attitude est primordiale.

• Enfin, la rigueur et la constance : Je le répète souvent à mon équipe, la rigueur est avant tout une habitude mentale qui, répétée, devient naturelle. La répétition renforce nos compétences et nos talents. Avec le temps, cette rigueur fait une grande différence.

Bon, je pourrais continuer encore longtemps, mais je vais m’arrêter ici !

– Votre avis sur la situation de la femme

Les femmes marocaines réalisent des avancées significatives grâce à des réformes positives et à une présence croissante dans divers domaines. Cependant, dans le secteur de l’entrepreneuriat, elles restent encore sous-représentées, avec seulement 13% des entreprises dirigées par des femmes, un chiffre clairement insuffisant au vu des avancées qu’a connu le tissu économique marocain.

Pour moi, les défis rencontrés dans le monde de l’entrepreneuriat, sont similaires pour les hommes et les femmes, mais les femmes sont souvent confrontées à un écart d’ambition par rapport à la gent masculine dû à la pression sociale et à leurs responsabilités familiales, ce qui peut freiner leurs aspirations professionnelles.
Il est crucial qu’elles disposent de modèles de réussite et de mentors pour les inspirer et les soutenir dans leur parcours entrepreneurial.

La résilience et l’impact de la femme marocaine sont indéniables, et avec un soutien continu, le chemin vers une véritable égalité devient chaque jour plus prometteur.

– Votre avis sur le site ?

Le site LeMondeFéminin est un excellent exemple de ce dont les femmes ont besoin : des modèles inspirants pour se guider et se motiver. En mettant en lumière les réussites de femmes exceptionnelles, il répond à un besoin crucial de visibilité et de reconnaissance pour les parcours féminins. Je salue vivement cette initiative qui crée une plateforme valorisante, offrant non seulement une célébration des succès féminins, mais aussi un encouragement précieux pour toutes celles qui aspirent à réussir. C’est en partageant ces histoires inspirantes que l’on peut nourrir l’espoir et montrer que chaque femme a le potentiel d’atteindre ses objectifs.

Un dernier mot ?

MERCI !

 

Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juillet 2024

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