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Colombe Yao : Une entrepreneure ivoirienne qui réinvente l’éducation financière en Afrique

Questions Interview

📌Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Colombe Yao Epse DJIREBO, CEO et Cofondatrice de Smartfin Patrimoine À travers Smartfin, une startup ivoirienne innovante, je m’engage à réinventer l’éducation financière et à démocratiser la gestion de patrimoine en Côte d’Ivoire et en Afrique francophone.

Ma mission est claire : rendre la gestion des finances accessible à tous, parce que je suis convaincue qu’une bonne maîtrise de l’argent peut transformer des vies.

En terme de formation, je suis titulaire d’un Master 2 en Finance de Marché et Gestion de Patrimoine de l’Université de Poitiers, avec des compléments de formation à HEC Paris ( finance d’entreprise )  et à l’IFG Paris (certificat en gestion d’actifs financiers). Autant dire que j’ai tout ce qu’il faut pour rendre la finance simple, concrète et utile au quotidien.


📌Comment avez-vous construit votre carrière ?

Ma carrière s’est construite entre passion, résilience et engagement. Après l’obtention de mon Master 2 en Finance de Marché et Gestion de Patrimoine à Poitiers, et une expérience en cabinet de gestion de patrimoine à Paris, Je voulais rendre la finance utile, accessible et transformative pour les populations ivoiriennes, souvent laissées en marge des circuits classiques.

C’est dans cet esprit que j’ai d’abord lancé jecompare.ci, un comparateur de services bancaires destiné à aider les Ivoiriens à choisir leurs produits financiers en fonction de critères précis (frais, services, accessibilité, etc.). L’idée était bonne, mais rapidement, avec mon cofondateur et époux Clovis Djirebo, nous avons constaté une réalité :

les populations ne pouvaient pas comparer ce qu’ils ne comprenaient pas.

Le véritable besoin était en amont : l’éducation financière. C’est ainsi qu’est née Smartfin, une solution pensée pour éduquer, accompagner et impacter durablement la manière dont les Ivoiriens gèrent leur argent et construisent leur patrimoine.


📌Pourquoi avoir choisi ce domaine ?

Parce que l’argent est au cœur de nos vies, mais reste un sujet tabou en Côte d’Ivoire. Trop de personnes prennent de mauvaises décisions par ignorance ou par peur. J’ai choisi la gestion des finances non pas pour les chiffres, mais pour les histoires humaines derrière chaque budget, chaque rêve non réalisé, chaque dette évitable, chaque investissement mal planifié. Je crois que l’inclusion financière est un levier puissant pour réduire les inégalités et bâtir une société plus juste.


📌Quels sont vos projets et ambitions pour l’avenir ?

Mon ambition est de faire de Smartfin la référence panafricaine en matière d’éducation financière et de gestion de patrimoine.
Nous voulons bâtir un écosystème complet autour de l’épargne, de l’investissement, de la planification financière et de l’accès à des produits sécurisés, adaptés aux réalités africaines.

Actuellement, nous préparons une levée de fonds pour renforcer notre communication, recruter de nouveaux talents et accélérer notre croissance.

Notre vision est claire :
Faire de Smartfin la première plateforme panafricaine d’éducation financière et d’investissement populaire.

Nous voulons que chaque jeune Africain, avec un simple smartphone, puisse :

  • planifier son avenir financier,
  • comprendre les produits bancaires,
  • éviter les arnaques,
  • et investir de façon intelligente.

En Côte d’Ivoire, notre objectif est d’impacter 1 million de personnes d’ici 2027, à travers notre application, nos formations et nos offres de services.
Nous croyons fermement que la technologie, la pédagogie et l’humain sont les clés pour bâtir une Afrique financièrement autonome et résiliente.

📌Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent réussir

Je leur dirai ce que je me dis à chaque fois pour me motiver, en espérant que ça puisse les aider aussi.

Je me dis souvent : « Colombe, crois en ta valeur, même si personne ne te tend le micro. »
Parce que la vérité, c’est que tu ne peux pas attendre qu’on te valide, qu’on te remarque ou qu’on t’invite à la table.
Tu dois croire que tu mérites ta place, même quand tout autour semble dire le contraire.

Forme-toi. Cultive-toi. Reste curieuse.
Entoure-toi de personnes qui t’élèvent, qui te nourrissent, qui te bousculent un peu aussi.
Et surtout, ose. Ose sortir du cadre. Ose dire non. Ose prendre la parole. Ose faire les choses à ta façon.
Mais la réussite, ce n’est pas toujours confortable. Ce n’est pas toujours poli non plus.
Ça demande de la vision, de la stratégie, parfois même du culot.

N’attends pas qu’on t’ouvre la porte. Crée ton propre chemin. Trace-le avec détermination.
Et quand tu doutes — parce que oui, tu douteras — rappelle-toi pourquoi tu as commencé.
Rappelle-toi que tu n’es pas seule. Et que ta réussite peut éclairer le chemin d’une autre.

📌Y a-t-il un moment ou un événement qui a marqué un tournant dans ta vie ?

Oh que oui.
Je crois que le vrai tournant, c’est le moment où je me suis dit :
« Colombe, tu ne veux pas juste faire de la finance… tu veux qu’elle serve à quelque chose. Tu veux qu’elle change des vies. »

Ce déclic, je l’ai eu après mes études et une belle expérience dans un cabinet de gestion de patrimoine à Paris. Tout était “parfait” sur le papier. Mais à l’intérieur, il manquait quelque chose. Je sentais que je devais revenir chez moi, en Côte d’Ivoire, pour construire quelque chose qui ait du sens.

C’est là qu’est né jecompare.ci, mon tout premier projet pour aider les Ivoiriens à comparer les offres bancaires. Mais très vite, j’ai compris une vérité encore plus forte : on ne peut pas comparer des produits qu’on ne comprend pas.
Le vrai besoin, c’était l’éducation financière.
Et c’est là que Smartfin est né, avec mon mari et cofondateur, Clovis.

Depuis ce jour, je ne fais plus de la finance pour la finance.
Je la fais pour qu’une femme à Yopougon, un jeune à Korhogo, ou un salarié à Bouaké puisse comprendre comment gérer son argent, éviter les pièges, et bâtir un vrai projet de vie.

Ça, pour moi, c’est le vrai tournant : quand tu choisis l’impact plutôt que le confort.

📌Comment percevez-vous la place de la femme dans votre domaine et dans votre pays ?

La place de la femme évolue, clairement.
Il y a de plus en plus de femmes dans la tech, dans la finance, dans l’entrepreneuriat, et ce n’est pas un hasard. C’est le fruit d’un vrai travail, d’un éveil collectif, d’un besoin de rééquilibrer les choses.

Je le constate concrètement à travers l’association Abidjanaises in Tech, dont je suis Secrétaire Générale Adjointe depuis quelques semaines. Ce réseau de femmes brillantes, engagées et déterminées me rappelle chaque jour que nous avons notre place, et que nous la prenons avec force et vision.

La société commence à laisser plus d’espace aux femmes pour évoluer. Ce n’est pas encore suffisant, mais les lignes bougent.
On ne demande plus la permission, on avance.

Alors oui, il reste des défis. Mais il y a aussi une énergie nouvelle, une solidarité féminine puissante, et surtout, une volonté ferme de ne plus négocier notre place, mais de l’assumer pleinement.

📌Que pensez-vous du site ?

Ce que j’apprécie particulièrement, c’est la diversité des parcours mis en lumière : entrepreneures, artistes, professionnelles, militantes… On y découvre des femmes inspirantes, authentiques, parfois discrètes, mais toutes puissantes à leur manière.

C’est un site qui donne la parole, qui valorise les trajectoires et qui montre qu’il n’y a pas une seule façon de réussir sa vie en tant que femme.
Dans un monde où la visibilité est souvent réservée à une minorité, c’est précieux d’avoir une plateforme qui célèbre la pluralité et la richesse des voix féminines.

📌Un dernier message à partager avec notre audience ?

Si je devais te laisser un dernier message, ce serait celui-là : prends-toi au sérieux.

Ne minimise pas ce que tu ressens, ce que tu veux changer, ce que tu veux bâtir.
Il y aura des jours de doute, des silences pesants, des regards qui n’y croient pas. Mais avance quand même. Même à petits pas. Même seule.

Tu n’as pas besoin d’être parfaite pour avoir ta place.
Tu as juste besoin d’être sincère, de rester curieuse, de continuer à apprendre, et de te rappeler pourquoi tu as commencé.

Et si un jour tu tombes, relève-toi avec douceur, avec courage. Tu n’es pas seule.

Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juin 2025

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