Nicole Robert : De la criminologie au coaching existentiel, un parcours hors des sentiers battus

📌Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Nicole Robert, fondatrice de deux structures aux vocations complémentaires : Diotime Coaching, un cabinet spécialisé dans l’accompagnement professionnel et collectif – notamment auprès des agents du secteur public – et Noodyssée, un cabinet de thérapie existentielle tourné vers les particuliers, pour celles et ceux qui traversent des questionnements profonds ou des transitions de vie.
Dans ces deux espaces, j’articule mes expertises en coaching professionnel et logothérapie (thérapie par la quête de sens) avec une conviction : chacun·e peut redevenir acteur ou actrice de sa vie, à condition de renouer avec ce qui fait sens pour soi.
Je suis également l’auteure de deux ouvrages qui incarnent deux facettes de ma démarche.
Le premier, “Je suis une tatin – manuel d’autocoaching pour gourmands de la vie” (disponible uniquement sur Amazon), propose une méthode d’introspection joyeuse et sensorielle. être une “tatin”, c’est une métaphore filée pour parler de notre capacité à accueillir nos parts retournées, nos défauts, nos douceurs inattendues. c’est tranquilliser son enfant intérieur, accepter les retournements de la vie, trouver son Ikigaï, Inventer sa vie et savoir dire Non. C’est aussi oser se reconnaître comme un dessert unique, qui n’a pas à ressembler aux autres pour avoir sa place.
Le second, je t’offre une virgule (éditions Lanore), est un roman de développement personnel autour d’un concept psychologique que j’ai conceptualisé : la prostitution émotionnelle.
La prostitution émotionnelle, c’est ce mécanisme insidieux par lequel une personne donne, surinvestit ou suradapte ses émotions et son attention pour être aimée, reconnue ou simplement exister aux yeux des autres. Elle se trahit sans en avoir conscience. C’est une forme d’aliénation affective souvent présente chez les femmes et à tort, confondue avec la générosité ou l’empathie. Dans ce roman, à travers l’histoire d’une femme en rupture avec elle-même, j’ai voulu éclairer ce phénomène et proposer un chemin de libération intérieure, une reconquête du respect de soi.
Aujourd’hui, je me considère comme une passeuse de sens, une femme engagée dans la transformation intérieure des individus, mais aussi dans une démarche de réenchantement collectif. J’avance avec une philosophie de vie nourrie à la fois par mes racines brésiliennes et béninoises, par mes blessures, et par cette foi obstinée en la puissance du sens. car ce n’est pas l’absence de souffrance qui sauve : c’est la présence d’un sens qui nous relie à la vie.
📌Comment avez-vous construit votre carrière ?
Je n’ai jamais suivi une ligne droite – et c’est sans doute ce qui m’a permis de développer une lecture transversale et profondément humaine de la vie professionnelle. Après des études de droit et un diplôme en criminologie, je devais partir vivre au canada pour poursuivre dans cette voie. Mais un événement majeur a tout bouleversé : ma mère est tombée dans le coma. Ce choc m’a poussée à rester en France et à réorienter complètement mon projet de vie.
C’est ainsi que j’ai bifurqué vers les ressources humaines, un domaine que je n’avais pas prévu mais dans lequel j’ai exercé pendant vingt ans. J’y ai découvert les coulisses de l’organisation, la complexité des relations humaines, les enjeux du travail et de l’engagement. Ce détour imposé par la vie est devenu un chemin fécond, qui m’a permis d’apprendre, d’observer, et de commencer à comprendre ce qui pousse ou freine un individu dans son rapport à lui-même et aux autres.
Au fil du temps, une forme de lassitude s’est installée. Je répondais aux attentes, j’occupais des fonctions reconnues, mais il me manquait une dimension : celle du sens, de l’écoute en profondeur, de la transformation durable. C’est alors que je me suis formée au coaching, puis à la logothérapie – cette approche philosophique et thérapeutique centrée sur la quête de sens (peu connue en France). Chaque étape de ma carrière s’est ainsi construite en écoutant mes intuitions, en accueillant les bifurcations et en osant des changements que la raison seule n’aurait peut-être pas justifiés.
📌Pourquoi avoir choisi ce domaine ?
Au fond, ce n’est pas tant moi qui ai choisi ce domaine que lui qui m’a appelée. L’humain a toujours été au cœur de mes préoccupations. mais plus encore que l’humain, c’est la question du sens qui me guide depuis l’enfance. En tant que drh, je posais déjà cette question : qu’est-ce qui donne du sens à votre travail ?. En tant que coach, je la reformule : qu’est-ce qui vous met en mouvement ? et désormais, en tant que logothérapeute, je l’ancre : qu’est-ce qui vous fait tenir debout, même dans l’adversité ?
Dans un monde où les repères collectifs s’effritent, où les modèles s’entrechoquent et où l’individu cherche sa place, je crois profondément que la quête de sens est devenue le sujet du siècle. il ne s’agit plus seulement de réussite ou d’épanouissement, mais d’une urgence existentielle à habiter sa vie avec justesse.
📌Quels sont vos projets et ambitions pour l’avenir ?
Je souhaite faire de la logothérapie un outil reconnu de santé mentale, accessible au plus grand nombre, et pas uniquement réservé aux initiés. Cela passe, selon moi, par deux axes : d’une part, développer des formats d’accompagnement collectifs comme la fresque du sens, que je suis en train de prototyper ; d’autre part, œuvrer pour que cette approche soit enfin prise en compte par les mutuelles, les entreprises, les institutions.
Au-delà de cette ambition, je poursuis également mon travail d’écriture – à la fois comme auteure et comme pédagogue du sens – et j’aspire à prendre part aux débats contemporains sur le travail, le rapport au temps, l’éthique du care et la place du féminin dans la société. je crois qu’il est temps de faire émerger une autre manière de penser la réussite : plus intérieure, plus incarnée, plus respectueuse de nos humanités.
Et je vais vous confier un vrai secret, je rêverais de faire une chronique radio sur le thème de la quête de sens.
📌Y a-t-il un moment ou un événement qui a marqué un tournant dans votre vie ?
Oui, sans hésiter : la publication de “Je suis une tatin”. Ce livre n’était pas un simple projet éditorial, mais une déclaration existentielle. Jusqu’à l’âge de 40 ans, j’ai cru que j’étais une erreur de la vie, que mon existence était un accident, que je ne valais rien du fait d’une enfance particulière et traumatisante. Ecrire ce livre, c’était comme faire mon coming-out identitaire : affirmer que ma différence était une richesse, que mes failles pouvaient devenir des forces, et que le chemin de la réconciliation avec soi-même pouvait aussi être joyeux. je raconte mon parcours dans mon manuel.
Ce moment a tout changé. il m’a donné une voix publique, m’a reliée à d’autres femmes blessées ou en reconstruction, et m’a permis de sortir de l’ombre de mes complexes pour marcher à la lumière de mon histoire.
📌Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent réussir
Je leur dirais d’abord de désapprendre l’idée que la réussite se mesure uniquement en termes de pouvoir, d’argent ou de reconnaissance extérieure. la vraie réussite, c’est l’alignement entre ce que l’on pense, ce que l’on ressent, ce que l’on dit et ce que l’on fait. d’ailleurs, je parlerais plus dans ce cas d’accomplissement que de réussite.
Je leur dirais aussi de se reconnecter à leur petite voix intérieure – cette intuition si souvent étouffée par les injonctions sociales et de ne pas avoir peur de leur sensibilité. Elle est une force, une boussole, une richesse de perception. Enfin, je leur soufflerais ceci : nous sommes toutes des desserts uniques, comme une tatin justement – avec nos parts d’ombre et de lumière. il suffit parfois de trouver la recette qui nous révèle vraiment.
📌Comment percevez-vous la place de la femme dans votre domaine et dans votre pays ?
Nous vivons une époque paradoxale. les femmes n’ont jamais été aussi présentes, compétentes, diplômées, visibles… et pourtant, elles continuent de rencontrer des plafonds invisibles, des attentes contradictoires, des dissonances intimes.
Dans le champ de l’accompagnement, elles sont très nombreuses – mais souvent cantonnées à des fonctions perçues comme « naturelles » (écoute, soin, douceur) plutôt que stratégiques. Je plaide pour qu’elles puissent revendiquer à la fois l’intellect, l’intuition et la légitimité, que leur voix ne soit pas seulement douce, mais audible. J’aimerais que le féminin soit reconnu non pas comme un attribut, mais comme une posture philosophique et politique : celle du lien, du care, du sens mais aussi de la force et de l’humanité.
La logothérapie nous enseigne que la responsabilité de sa vie n’est pas genrée mais que la manière dont une société la permet ou l’empêche, elle, l’est encore bien trop souvent.
📌Que pensez-vous du site Le Monde Féminin ?
J’apprécie sa volonté de conjuguer empowerment et profondeur. Le monde féminin ne se contente pas de proposer des conseils de surface : il invite à la réflexion, à l’introspection, à la réinvention. j’ai aimé y lire des témoignages pluriels, des portraits de femmes engagées, des dossiers sur des sujets tabous ou méconnus.
C’est un site qui parle aux femmes comme à des personnes à part entière, pas comme à des consommatrices. un média qui croit en la capacité des femmes à penser, à ressentir, à transformer – pour elles-mêmes et pour le monde.
📌Un dernier message à partager avec notre audience ?
Avec plaisir ! Le sens n’est pas un luxe spirituel : c’est une nécessité existentielle. dans un monde qui nous pousse à faire vite, à être performantes, à ne jamais faillir, il est urgent de ralentir pour écouter ce qui fait vraiment sens pour nous.
Retrouver son axe, c’est s’autoriser à habiter sa vie. alors si je devais vous laisser avec une question, ce serait celle-ci : qu’est-ce qui vous rend vivante ? Si vous trouvez la réponse, suivez-la. Elle est votre étoile polaire.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juin 2025
Découvrez les autres Interviews.