Pr. Hajar Khattab : En première ligne contre l’AVC au Maroc

📌Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis le Professeur Hajar KHATTAB, neurologue spécialisée en pathologies neurovasculaires, exerçant au CHU Ibn Rochd de Casablanca. J’ai également complété une formation en neuroradiologie diagnostique à l’Université Paris-Sorbonne. Ce double cursus me permet aujourd’hui d’aborder l’AVC de façon complète, du diagnostic à la prise en charge en phase aiguë.
📌Comment avez-vous construit votre carrière ?
Ma carrière s’est construite avec passion inébranlable et persévérance. Mon orientation vers la neurologie a été très tôt guidée par un profond désir de contribuer à une discipline complexe et en constante évolution. J’ai rapidement compris l’ampleur du fléau que représente l’AVC, notamment dans une ville comme Casablanca où, à ce jour, aucune structure dédiée n’existait pour cette pathologie. Cette réalité a constitué un véritable moteur pour mon engagement afin de participer à la création d’une filière neurovasculaire, avec comme objectif de sauver des vies et réduire les handicaps.
En 2018, nous avons démarré la première thrombolyse des AVC grâce à l’équipe enseignante du service de Neurologie du CHU de Casablanca. Pouvoir constater l’évolution d’un patient arrivé lourdement handicapé et le voir repartir debout est une source de fierté immense.
📌Pourquoi avoir choisi ce domaine ?
L’AVC est une pathologie lourde, imprévisible, qui bouleverse non seulement le patient mais aussi sa famille. C’est une urgence vitale et fonctionnelle. Sa fréquence — un AVC toutes les 15 minutes au Maroc — en fait un enjeu majeur de santé publique. Ce constat m’a poussée à me spécialiser dans ce domaine trop longtemps négligé. J’ai toujours été préoccupée par le manque de développement de cette filière, et je me suis donné pour mission de faire avancer la prise en charge neurovasculaire dans notre pays. Ce déséquilibre entre la gravité de l’AVC et le manque d’infrastructures pour le traiter m’a profondément interpellée.
📌Quels sont vos projets et ambitions pour l’avenir ?
Je veux contribuer à la structuration nationale d’une filière AVC moderne, accessible et efficace. Former, transmettre, sensibiliser. Je continuerai à encadrer nos jeunes internes et résidents pour qu’ils développent des compétences solides dans ce domaine. Mon souhait est que chaque centre hospitalier universitaire du pays puisse offrir une prise en charge moderne et efficace de l’AVC. Je poursuis également ma participation active à tous les congrès neurovasculaires pour rester connectée aux avancées internationales et faire rayonner l’expertise marocaine.
📌Y a-t-il un événement marquant dans votre parcours ?
Sans doute le lancement de la thrombolyse au CHU de Casablanca en 2018. C’était une décision audacieuse, qui nécessitait beaucoup de coordination et d’investissement de la part de toute l’équipe du CHU. Le premier patient traité, qui a récupéré de manière spectaculaire, a renforcé ma conviction que nous pouvions réellement faire la différence. C’était un moment profondément émouvant. Cela m’a donné encore plus de conviction sur l’impact que nous pouvons avoir en tant que soignants.
📌Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent réussir
Soyez passionnées, curieuses et persévérantes. Ne doutez jamais de votre légitimité. Croyez en vos capacités, même lorsque le contexte semble défavorable et même dans les environnements les plus rigides. Il est essentiel de rester fidèle à ses convictions, de s’entourer des bonnes personnes et surtout, de ne jamais cesser d’apprendre. L’excellence n’a pas de genre.
📌Comment percevez-vous la place de la femme dans votre domaine ?
La neurologie est exigeante, mais les femmes y trouvent de plus en plus leur place. Cependant, il reste des efforts à faire pour briser certains plafonds de verre. Il faut continuer à promouvoir les rôles de leadership féminin en santé, et de créer davantage d’opportunités d’ascension professionnelle.
📌Que pensez-vous du site ?
C’est une belle initiative qui valorise les parcours inspirants et met en lumière des femmes engagées dans des domaines variés. Je suis ravie d’y contribuer.
📌Un dernier message à votre audience ?
L’AVC n’est pas une fatalité et peut toucher n’importe qui, à n’importe quel moment. Informons, sensibilisons et formons pour mieux prévenir et traiter cette urgence. Il ne faut jamais ignorer les signes d’alerte : visage paralysé, trouble de la parole, faiblesse d’un bras. Chaque minute compte. Ensemble, faisons de la prévention une arme contre le handicap.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Avril 2025