Meroua Kahlerras : De l’international au local, construire des marques qui résistent au temps

📌Pouvez-vous vous présenter ?

    Je m’appelle Meroua Kahlerras, je suis consultante en stratégie de marque.

    J’aide les marques à mieux se comprendre, à clarifier ce qu’elles veulent transmettre et à structurer leur présence pour qu’elle soit cohérente, lisible et ancrée dans le réel.

    Actuellement, je co-crée une agence, Camscape, avec un associé et une équipe. On travaille sur la stratégie, l’UX, le branding et le contenu comme un ensemble cohérent, pas comme des éléments séparés. L’objectif n’est pas d’ajouter une couche de communication, mais de faire en sorte que chaque marque qu’on accompagne tienne debout dans le temps, à partir d’elle-même.

    📌Comment avez-vous construit votre carrière ?

      J’ai suivi une formation en commerce international, puis en marketing digital. Mais ce qui m’a le plus formée, c’est le terrain.

      Travailler avec des marques, c’est apprendre à écouter. Et très vite, on se rend compte que ce que les clients formulent n’est jamais exactement ce dont ils ont besoin. Quand la relation est saine, ils parlent aussi de leurs doutes, de ce qui les freine, de ce qu’ils n’arrivent pas à traduire.

      C’est à ce moment-là que j’ai compris où je pouvais être utile : dans la capacité à clarifier, à relier, à proposer autre chose que ce qu’on m’avait demandé — mais qui allait plus loin. Ma posture s’est construite là. Pas dans les réponses toutes faites, mais dans la lecture fine de ce qui est en jeu.

      📌Pourquoi avoir choisi ce domaine ?

        Parce que j’ai toujours été attirée par ce qui se passe sous la surface.
        Pourquoi certaines marques captent l’attention, quand d’autres passent à côté ? Pourquoi un tel message fonctionne ? Pourquoi un tel positionnement touche juste ? Ce sont des questions que je me suis toujours posées.

        Mais ce n’est pas uniquement intellectuel. Ce que j’aime, c’est aussi la relation avec les personnes derrière les projets. Comprendre leurs freins, leurs élans, leurs contradictions. Travailler sur une marque, c’est souvent travailler sur une vision qu’on n’a pas encore osé formuler.

        C’est pour ça que je me suis mise à mon compte. J’avais besoin d’un cadre plus libre pour pouvoir aller à cette profondeur-là, et prendre le temps de réfléchir vraiment.

        📌Quels sont vos projets et ambitions pour l’avenir ?

          Aujourd’hui, je suis concentrée sur le lancement de l’agence.

          On pose les premières briques : une méthode, une vision, des projets structurants. En parallèle, je travaille entre la France, la Suisse et les États-Unis, ce qui m’aide à élargir ma grille de lecture. Les marques n’existent jamais dans le vide. Elles sont le reflet d’un contexte, d’une culture, d’un usage. Et plus on les confronte à des environnements différents, plus on les rend solides.

          Je n’ai pas d’objectif de croissance rapide. J’ai envie d’accompagner des projets qui méritent d’exister, qui ont besoin de structure, de clarté, de direction.

          📌Y a-t-il un moment ou un événement qui a marqué un tournant dans votre vie ?

            Il n’y a pas eu de grand basculement.

            Mais à un moment, j’ai pris une décision très claire : refuser le cadre du CDI et de la stabilité comme horizon par défaut.

            Pas un contrat en particulier, mais un système dans lequel la sécurité est vue comme une condition préalable à la construction.

            Je sentais que si je restais dans ce schéma, je finirais par fonctionner en décalage avec ce que je pouvais réellement apporter. Et c’est une forme d’auto-sabotage douce, mais efficace.

            À cette période, je suis tombée sur une phrase qui m’a marquée :

            “Un oiseau perché sur une branche n’a pas peur qu’elle casse, car il ne fait pas confiance à la branche, mais à ses propres ailes.”

            Et ça a résonné.
            Parce que c’est exactement ce que je ressentais : la stabilité ne pouvait pas venir de l’extérieur.
            Elle devait venir de ma capacité à m’adapter, à réfléchir, à créer du mouvement si le cadre se brisait.

            📌Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent réussir

              Je dirais de faire attention à ce qui se passe dans la tête, pas juste autour. La plupart du temps, ce qui bloque, c’est pas un manque de compétence ou d’opportunité. C’est une limite intérieure qu’on n’a jamais remise en question. On attend de “maîtriser”, on attend de “se sentir prête”, on attend la légitimité. Mais elle ne tombe jamais toute seule. Moi, ce que j’ai compris, c’est que mes plus gros déclics sont venus quand j’ai arrêté d’attendre d’avoir toutes les réponses. Quand j’ai accepté d’y aller même dans le flou. Et surtout, quand j’ai arrêté de m’adapter à tout, à tout le monde. Se dépasser, ce n’est pas faire plus. C’est penser autrement.
              Et parfois, il suffit juste d’un shift mental pour que tout s’ouvre.

              📌Comment percevez-vous la place de la femme dans votre domaine et dans votre pays ?

                Quand on pense “marketing” ou “communication”, on pense souvent aux femmes, non ? Et c’est vrai, elles sont très présentes.

                Mais il faut regarder où exactement.

                Les femmes occupent majoritairement des postes opérationnels : social media, community management, coordination…

                Dès qu’on monte vers des rôles de direction ou de stratégie, leur présence diminue fortement.

                Une étude de Global Women in PR montre que seulement 30 % des postes de direction en communication sont occupés par des femmes, alors qu’elles représentent environ 70 % des effectifs du secteur.

                Dans le marketing, c’est la même dynamique : selon McKinsey, les femmes représentent 48 % des professionnels du marketing, mais moins de 20 % des CMO dans les grandes entreprises.

                Ce n’est pas une question de compétence. C’est une question de visibilité, de confiance qu’on accorde (ou pas), et de modèles à qui s’identifier.

                Et aussi, d’habitudes mentales : les femmes postulent moins souvent à des postes à responsabilité si elles ne cochent pas tous les critères.

                Ce n’est pas qu’elles sont moins capables. C’est qu’on leur a appris à douter plus.

                Je pense que ça évolue — mais pas tout seul.

                Il faut qu’on continue à prendre la parole, à occuper l’espace, à proposer une autre façon de faire de la stratégie : plus inclusive, plus fine, moins dans la surenchère… mais pas moins puissante.

                📌Que pensez-vous du site ?

                  C’est une belle initiative, parce qu’elle laisse la place à des réponses sincères.

                  Les formats trop courts ou trop lissés empêchent souvent de raconter les choses avec nuance.
                  Ici, on peut voir des trajectoires différentes, pas toujours linéaires, mais réfléchies. Et je pense que c’est ce dont on a besoin : des récits plus complexes, plus ancrés dans la réalité.

                  📌Un dernier message à partager avec notre audience ?

                    Je crois qu’on se répète trop souvent qu’il faut aller plus vite, qu’il faut faire plus, prouver plus, dire oui à tout.

                    Mais moi, ce que j’essaie de me rappeler, c’est que la vitesse ne dit rien sur la direction.

                    Ce que je construis demande du temps, de la présence, de la vision — pas de l’urgence.

                    Donc si je devais te donner un conseil, ce serait : arrête de courir, continue de creuser.

                    C’est là que ça devient intéressant.

                    Entretien réalisé par Aziz HARCHA
                    Avril 2025

                    Découvrez les autres Interviews.

                    Quitter la version mobile