Manal Lamsaddak

1- Bonjour, avant tout, pouvez-vous vous présenter, nous raconter votre parcours et vos activités

Bonjour, je suis Manal Lamsaddak. Psychologue clinicienne et psychothérapeute. Je suis aussi doctorante en psychologie clinique et psychopathologie à l’Université Hassan II de Casablanca.
Ma boussole a été une interrogation sur le fonctionnement psychologique de l’être humain. J’ai toujours été fascinée par ce dernier, et je le suis toujours d’ailleurs. J’ai alors fait des études en psychologie. Je suis titulaire d’une licence et d’un master en psychologie clinique et psychopathologie, et actuellement je poursuis mes études doctorales.

Mon parcours s’articule autour du milieu hospitalier (hôpital d’enfants et pédopsychiatrie), le milieu associatif (centre social pour personnes âgées, centre de protection de l’enfance où j’ai travaillé avec des adolescents délinquants, association pour enfants en situation précaire, association pour filles et femmes victimes de violence physique et psychologique), et le libéral où j’exerce aujourd’hui et où je reçois enfants, adolescents, adultes et couples. Je pratique aussi l’animation d’ateliers et de groupes de parole.

2- Et votre vie professionnelle

Ma vie professionnelle est très dynamique et enrichissante. J’aime bien l’idée que je sois ma propre boss et avoir la possibilité de choisir mes heures de travail et jours de repos en respectant mon propre rythme. Et aussi de pouvoir porter plusieurs casquettes entre psychologue, secrétaire et comptable. J’y trouve un énorme plaisir.

Ce que j’aime aussi c’est la continuité de la formation. Il faut toujours chercher, être curieux, se former, c’est ce qui m’a aussi donné envie de faire de la recherche doctorale.
Lorsqu’on reçoit différents patients, on est confronté à une diversité de problématiques pour lesquelles nous ne sommes pas toujours bien formés. Pouvoir se former en continue comme je le souhaite et en fonction des pathologies rencontrées par le biais de mes patients est clairement du luxe selon moi.
Il y aussi un côté créatif dans cette profession qui se fait avec les enfants surtout. La rencontre avec l’enfant ne se limite pas à l’entretien verbal. Pour lui permettre d’extérioriser son monde interne, il faut la médiation d’une activité (qui peut être un jeu ou le dessin) qui correspond à ses intérêts, à son univers ou une activité qui lui permettra de s’ouvrir et se révéler. Et pour cela il faut avoir la capacité de s’adapter aux intérêts de chaque enfant et aussi de redevenir enfant pour pouvoir comprendre un enfant en souffrance.
Je me sens aussi plus épanouie au libéral même s’il impose des responsabilités plus grandes qu’en travaillant en institution. Mais justement, le challenge me permet de me dépasser.
Comme dans chaque métier, ce n’est pas toujours rose, et ce n’est pas tous les jours facile, mais il y a heureusement des gratifications et de la reconnaissance quand j’arrive à aider les personnes qui viennent me voir, et c’est très plaisant à vivre.
3- Et pourquoi ce secteur d’activité
Vous savez, j’ai grandi dans une société où on parle de tout : de la météo, des voisins, de la politique, du foot, de la famille, des autres.. mais jamais, ou très rarement, de « soi », de ce qu’on ressent, de nos émotions, de nos difficultés, de nos problématiques.. J’ai donc fait de la « PAROLE » mon métier. J’aime le fait que je puisse offrir un espace sécure où la parole est libre, sans jugement, avec une écoute empathique et bienveillante ; là où l’humain est au centre avec tous ses impasses, ses difficultés, ses élans. Tout en contribuant pleinement à l’amélioration de la santé-mentale et du bien être des personnes en souffrances. Il faut vraiment être passionné pour choisir ce métier, qui au-delà d’être un simple métier pour moi, il est une vocation.

4- Quels sont les moments ou événements qui ont changé votre vie

L’un des moments qui a changé ma vie, est littéralement la prise de décision de faire des études en psychologie et de devenir psychologue. Une décision prise toute seule, en écoutant ma propre voix intérieure, et que je devais assumer et surtout en assumer les conséquences. J’ai rêvé et j’y ai cru, même si presque personne de mon entourage (à part ma mère, solidarité féminine) n’y croyait vraiment. C’était un terrain inconnu, sans avenir, puisque personne n’a fait ce parcours, donc c’était un risque.
J’ai choisi de prendre ce risque et de tracer mon propre chemin dont aujourd’hui je suis fière. Fière surtout d’avoir pu protéger ce rêve des ondes négatives et des commentaires réducteurs que j’entends vis-à-vis du métier de psychologue qui a tendance à être réduit à certaines pratiques, ou au fait de ne « faire qu’écouter » les gens, ce qui n’est pas le cas.

5– Quel est votre conseil pour les femmes qui veulent réussir ?

Oser rêver et poursuivre ses rêves jusqu’au bout ! Mais il ne suffit pas de rêver, il faut surtout bosser dur et aimer ce qu’on fait. J’insiste aussi sur le fait de bien se connaitre, connaitre sa valeur et ses compétences. Parce que chacun a sa propre perception du monde et on aura toujours des gens qui nous diront « c’est impossible… tu n’y arriveras jamais… ça ne se fait pas… », peut-être ils ont raison, mais ils jugent leurs compétences à eux, leurs limites à eux. Donc une fois qu’on arrive à savoir de quoi on est capable et de pouvoir faire abstraction des critiques ou de l’avis des autres sur ce qu’on voudrait atteindre, plus rien ne nous arrête.

6-Votre avis sur la situation de la femme au Maroc.

La femme marocaine est une combattante, une vraie guerrière. Il faut dire qu’il y a une amélioration qui s’établit de plus en plus, mais cela n’empêche pas que les obstacles culturels et sociales persistent toujours.
Les dernières statistiques ont montré que la violence à l’égard des femmes est un phénomène toujours persistant et préoccupant au Maroc. La violence économique et sexuelle sont celles qui reviennent le plus, et le principal théâtre de ces violences reste l’espace conjugal et familial là où normalement la femme devrait se sentir en sécurité. Les espaces publics ne sont pas épargnés, où les femmes sont exposées à des insultes, des attouchements, des vols ou des agressions. Les chiffres témoignent de la vulnérabilité des femmes face à toutes les formes de violences qui engendrent de lourdes conséquences sur leur santé physique et mentale.
Certes les choses changent, les femmes deviennent de plus en plus conscientes de leurs droits et osent en parler, elles deviennent plus indépendantes. Mais on est toujours confronté à une résistance au changement qui réside dans les mentalités.

7- Votre avis sur le site.

J’ai bien aimé l’idée de la plateforme qui réunit différents profils féminins et divers parcours. Donner la parole aux femmes du monde pour s’adresser à toutes celles qui se cherchent ou qui cherchent un conseil, un support, une lueur d’espoir. Ça ne peut qu’être motivant ou pourquoi pas inspirant.

8- Dernier mot.

Déjà je suis très flattée de l’intérêt que vous avez portez à ma personne.
Et pour toutes les femmes qui ont pris le temps de me lire, comprenez que la puissance féminine est innée, donc présente en chacune d’entre nous. Elle ne dépend pas de l’apparence physique ou de la réussite professionnelle, mais de l’estime de soi et de la confiance en soi. Croyez en vous mesdames, et prenez bien soin de votre santé mentale !

Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Octobre 2024

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