Ibtihal Abou El Saad : L’ingénieure marocaine qui a défié Microsoft
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Introduction
L’histoire d’Ibtihel Abou El Saad, une ingénieure marocaine spécialisée en intelligence artificielle, est devenue un point focal dans le débat croissant sur la responsabilité des grandes entreprises technologiques, en particulier de Microsoft, face à leur rôle dans les conflits et les violations des droits humains. Sa protestation publique lors d’un événement de Microsoft, accusant l’entreprise de complicité dans les “crimes de guerre” et le “génocide” à Gaza, a non seulement mis en lumière des liens d’affaires controversés, mais a également résonné avec les sentiments de nombreux employés de l’industrie technologique et au-delà, confrontés à un profond conflit moral.
Une Trajectoire D’excellence et d’Engagement
Née et élevée à Rabat, au Maroc, Ibtihel Abou El Saad a suivi un parcours académique remarquable dès son plus jeune âge. Après avoir brillamment terminé ses études secondaires au lycée Moulay Youssef, une institution réputée, elle a poursuivi ses études aux États-Unis. Son parcours à l’Université de Harvard a été marqué par l’excellence académique et un engagement précoce. Elle y a obtenu une double licence, un cursus atypique combinant l’informatique et la psychologie, ce qui lui a permis de tisser des liens entre les sciences humaines et la rigueur technologique.
À Harvard, Ibtihel Abou El Saad ne s’est pas contentée d’étudier. Elle a également occupé des postes de recherche, notamment au Weisz Lab for Youth Mental Health, où elle a contribué à des projets visant l’amélioration de la santé mentale des jeunes. De plus, elle a été assistante d’enseignement à la faculté d’ingénierie, guidant et formant les étudiants dans un cours de mathématiques discrètes. Ces expériences ont contribué à forger sa vision du monde et à renforcer son engagement en faveur de la justice sociale et de l’humanitaire.
Après avoir obtenu son diplôme en 2021, elle a rejoint Microsoft à Toronto en tant qu’ingénieure en intelligence artificielle, intégrant l’équipe travaillant sur le moteur de reconnaissance vocale au sein du département IA.
Au-delà de son travail technique, Ibtihel s’est distinguée par son engagement, notamment à travers des initiatives éducatives au Maroc, témoignant de son désir de valoriser le savoir et l’apprentissage. Sa réputation s’est donc construite non seulement sur ses compétences techniques, mais aussi sur son rôle de militante pour les droits humains, la poussant à s’exprimer sur des questions dépassant largement le cadre de la technologie. C’est cet engagement qui l’a conduite au centre de la controverse impliquant Microsoft et ses liens présumés avec les actions militaires israéliennes à Gaza.
Microsoft et les Accusations de Complicité
Les accusations portées par Ibtihel Abou El Saad et d’autres employés ou militants contre Microsoft sont graves et se basent sur des rapports et des informations divulguées. Il est allégué que Microsoft vend des “armes IA” ou des services d’intelligence artificielle à l’armée israélienne. Un contrat de 13 millions de dollars visant à fournir des services de cloud et d’IA à l’armée israélienne est mentionné. Les sources soulignent que l’utilisation des services cloud de Microsoft et de l’IA par l’armée israélienne a considérablement augmenté depuis le 7 octobre. Selon des données d’utilisation de mars 2024, l’utilisation de l’IA de Microsoft et d’OpenAI par l’armée israélienne a été multipliée par près de 200 par rapport à la période précédant octobre 2023.
L’utilisation globale des services Microsoft par l’armée israélienne aurait augmenté de plus de 60 % entre les six mois avant le 7 octobre et les quatre mois après.
Cette utilisation de l’IA et du cloud est décrite dans les sources comme étant les “bombes et les balles du XXIe siècle”. L’armée israélienne utiliserait des modèles d’IA de Microsoft dans le cadre d’un programme militaire pour sélectionner des cibles à Gaza et au Liban. L’IA est spécifiquement utilisée pour le ciblage et la surveillance.
Ce qui est frappant, selon elle, c’est que Microsoft ne divulgue pas publiquement ou ne se vante pas de ces relations militaires. Ces liens auraient été révélés par des discussions avec l’armée israélienne ou des contrats qui ont fait l’objet de fuites. La plupart des employés n’auraient pas été informés de l’étendue de ces relations. Microsoft aurait des accords de service avec l’armée israélienne, comprenant plus de 600 abonnements individuels répertoriés sous des divisions, unités, bases et codes de projet spécifiques. Bon nombre de ces abonnements utiliseraient des codes de projet ou des noms innocents, ne révélant pas explicitement leur lien avec l’armée israélienne. Les relations incluraient l’unité centrale de calcul militaire (MEM) responsable de l’infrastructure technologique de l’armée, ainsi que d’autres unités hautement classifiées, y compris au sein du bureau du Premier ministre israélien.
L’image positive que Microsoft et d’autres entreprises technologiques auraient cultivée au fil des décennies – celle d’un environnement accueillant des “personnes intelligentes faisant le bien”, un lieu d'”innovation pour l’impact social” – aurait contribué à masquer la vérité sur la manière dont ces entreprises privilégient le profit au détriment des droits humains. Elles mettraient en avant leurs projets et produits utilisés de manière positive, sans jamais parler du “l’autre côté”, celui qu’elles privilégieraient dans leurs décisions commerciales.
Le Conflit Interne et les Tentatives Infructueuses
Pour Ibtihel Abou El Saad, la prise de conscience de l’étendue des liens entre Microsoft et l’armée israélienne, révélée dans la dernière moitié de ses trois années et demie de travail au sein de l’entreprise, a créé une dissonance cognitive intense. Il était insensé pour elle de consacrer son temps à prier pour la Palestine, à faire des duas (invocations) pour les opprimés, tout en travaillant pour une entreprise dont elle avait la preuve qu’elle contribuait à cette souffrance. Aller à des manifestations le week-end et ensuite passer sa journée de travail dans un lieu qui permettait ce qu’elle percevait comme un génocide, ne lui semblait pas juste. C’était une immense dissonance, accompagnée de beaucoup d’angoisse et de culpabilité pendant son temps au sein de l’entreprise.
Cette dissonance n’était pas isolée. Ibtihel avait posté un message dans le groupe des employés musulmans de Microsoft pour évoquer ce conflit interne et demander si d’autres personnes ressentaient qu’elles ne pouvaient pas continuer à contribuer à l’entreprise étant donné ses contributions au génocide. Elle a reçu un grand nombre de messages privés de personnes partageant le même sentiment. Beaucoup ressentaient également qu’ils ne se sentaient pas bien chaque jour à faire leur travail dans cette entreprise. Cependant, un sentiment de peur était souvent présent si l’on s’exprimait, en raison des répercussions potentielles sur l’emploi et la carrière future. Malgré cela, beaucoup exprimaient aussi l’espoir de pouvoir changer les choses de l’intérieur. L’action d’Ibtihel a révélé que ce sentiment de mécontentement concernant la relation de Microsoft avec l’armée israélienne était très répandu et s’était accumulé.
Avant de recourir à la protestation publique, les employés concernés avaient tenté d’utiliser les méthodes “préférées” de l’entreprise pour soulever des préoccupations, comme les publications sur le forum interne de l’entreprise adressées à la direction, les questions soumises lors des sessions “Ask Me Anything” (Demandez-moi ce que vous voulez), ou des réunions directes avec les subordonnés du PDG. Aucune de ces tentatives n’a abouti. Dans le meilleur des cas, la réponse était un simple “Je vous entends”, sans que rien ne change. Dans le pire des cas, ils étaient complètement ignorés ou écartés. Les travailleurs qui s’exprimaient étaient souvent supprimés, réduits au silence, intimidés et parfois victimes de représailles. Les sources mentionnent notamment deux employés licenciés en octobre 2024 pour avoir protesté contre le rôle de l’entreprise en Israël et organisé une veillée sur le campus. Face à l’échec de ces canaux internes pour susciter le moindre changement, la décision a été prise de faire quelque chose qui obligerait l’entreprise à écouter. Une manifestation lors d’un événement en présence de la haute direction, de la presse et du public a été perçue comme la seule méthode restante pour faire passer le message.
La Décision d’Agir et la Préparation Spirituelle
La décision de passer à l’action, en particulier en perturbant un événement public, n’était pas facile et a nécessité une préparation spirituelle et émotionnelle. Pour Ibtihel, un élément déclencheur majeur qui a confirmé que c’était “la bonne chose à faire” a été l’accès à l’événement qu’elle a perturbé. L’événement était restreint, nécessitant de participer à un tirage au sort. Après avoir soumis sa candidature, Ibtihel a prié chaque nuit, demandant à Allah de faciliter ce plan de perturbation si c’était la bonne chose à faire. Quelques jours plus tard, elle a obtenu l’accès, ce qui, parmi de nombreux participants, a été interprété comme un signe. C’était un signe qu’Allah la plaçait dans cette position pour qu’elle puisse parler au nom des opprimés, et que c’était ce qu’elle devait faire pour Lui plaire et utiliser sa voix pour la justice, comme Il l’avait instruit.
La planification de la protestation, qui a eu lieu pendant la semaine de l’Aïd, a nécessité du travail pendant le mois de Ramadan. Tout au long du Ramadan, Ibtihel a consacré plus de la moitié de ses duas à demander à Allah de faciliter chaque étape du processus. Les choses semblaient s’aligner de manière incroyable : obtenir des informations inattendues sur l’organisation de l’événement, être mise en contact avec quelqu’un aidant à la communication avec les employés musulmans dans la tech. Ce déroulement fluide du processus de planification a renforcé en elle le sentiment qu’Allah était de leur côté et les guidait vers cette position de protestation.
Le jour de la protestation, en entrant dans l’événement, il y avait de la nervosité. Cependant, se recentrer sur “le pourquoi” de l’action – la souffrance à Gaza, la responsabilité morale et religieuse – a aidé à surmonter cette peur. Le rappel constant de l’oppression infligée à Gaza, coïncidant avec le Ramadan et une série d’émissions sur le sujet (Barak series), a servi de base à cette motivation. Ibtihel a également beaucoup récité “Hasbunallah wa ni’mal wakeel” (Allah nous suffit, et Il est le meilleur garant). Pour elle, l’Hadith sur le fait de ne rien abandonner pour Allah sans qu’Il le remplace par quelque chose de meilleur a été une source constante de réconfort et de conviction que son action n’était pas un échec, mais la bonne voie. Une invocation (dua) qu’elle a mentionnée est “Ya Rab”, appelant à Allah. L’idée d’une sourate du Coran qui exhorte à “Pourquoi ne vous battez-vous pas pour les opprimés ?” a également été une source d’énergie et d’engagement. Se concentrer sur le fait qu’Allah avait facilité les choses jusqu’à ce point l’a renforcée dans la conviction qu’Il ne l’abandonnerait pas.
Le Moment de la Protestation
Le jour de l’événement, après être entrée avec une autre manifestante nommée Vana, elles ont initialement été assises loin de la scène. De manière inattendue, une femme les a conduites au premier rang, juste à côté de la scène et des haut-parleurs, sans qu’elles n’aient rien demandé. Cela a été perçu comme un autre signe qu’Allah facilitait l’action pour qu’elle ait un impact.
Lorsqu’un des dirigeants de Microsoft, Mustafa (le PDG de l’IA, décrit comme étant à moitié syrien), est monté sur scène, Ibtihel savait qu’elle voulait s’adresser spécifiquement à lui. Elle a travaillé dans l’organisation de l’IA, et elle voulait le tenir pour responsable de l’utilisation de “son code” à des fins militaires. Le fait qu’ils soient tous deux originaires de la région a renforcé sa détermination. Plus tard, elle a pu interrompre l’événement lorsque les trois PDG de Microsoft, dont Satya Nadella, Bill Gates et Steve Ballmer, étaient sur scène.
Le moment de la protestation elle-même était empreint de nervosité, mais la concentration sur la raison fondamentale a permis de franchir le pas. Ibtihel a répété des invocations pour rester centrée. Les mots prononcés étaient percutants : “honte à vous”, “vous dites que vous vous souciez d’utiliser l’IA pour le bien, mais Microsoft vend des armes IA à l’armée israélienne”, “50 000 personnes sont mortes et Microsoft alimente ce génocide dans notre région”, “vous êtes un profiteur de guerre”, “arrêtez d’utiliser l’IA pour le génocide dans notre région”, “vous avez du sang sur les mains, tout Microsoft a du sang sur les mains”, “comment osez-vous tous célébrer ? Pourquoi Microsoft tue des enfants ? Honte !”.
Les mots n’étaient pas entièrement improvisés. Pendant le Ramadan, elle avait passé du temps avec d’autres organisateurs pour élaborer des “phrases courtes et ciblées” capables de “transmettre beaucoup” et d’avoir un impact sur l’audience et les dirigeants. Cependant, certains éléments, comme jeter son keffieh ou dire “vous avez du sang sur les mains”, sont sortis spontanément, en partie en réaction à la réponse évasive de “Je vous entends” qu’elle avait déjà entendue de la part de l’entreprise. L’état émotionnel sous-jacent était un “ressentiment accumulé” envers une entreprise qu’elle avait rejointe pour “le bien social” et l’impact, mais qui, selon elle, l’avait “trompée” en la faisant contribuer à quelque chose de “diamétralement opposé à ses valeurs”. Toute la douleur et le ressentiment liés au silence et à la complicité de Microsoft sont sortis à ce moment-là.
Étonnamment, Ibtihel a déclaré qu’elle n’a même pas senti qu’elle s’était levée et qu’elle était près de la scène ; “cela s’est juste produit”. Ce n’est qu’après avoir été escortée qu’elle a commencé à traiter ce qui venait de se passer. Elle attribue cela à Allah qui lui a donné “cette énergie” pour se lever et exprimer les mots.
Les Conséquences et la Peur Supérieure
Les conséquences de cette action n’ont pas tardé. Le jour même de la protestation, Ibtihel Abou El Saad et Vana Agarwal ont été licenciées par Microsoft. L’accès d’Ibtihel à son courriel professionnel et à son compte Teams a été immédiatement coupé, quelques heures seulement après avoir envoyé des courriels de masse aux employés pour les informer de l’implication de Microsoft.
Perdre un emploi “prestigieux” et “confortable” chez Microsoft était une préoccupation, mais elle était accompagnée d’autres craintes “mondaines” potentielles : être mise sur liste noire pour le reste de sa carrière, avoir des problèmes de visa. Ces préoccupations étaient présentes à l’esprit.
Cependant, une peur l’a emporté sur toutes les autres : la peur spirituelle, la peur d’avoir à rendre des comptes devant Allah le Jour du Jugement. Ibtihel a exprimé, avec émotion, qu’elle ne voulait pas faire face à Allah et devoir admettre une quelconque complicité dans le génocide. Rester chez Microsoft et rester silencieuse l’aurait conduite à ce résultat le Jour du Jugement. Cette peur était “écrasante” et ne se comparait pas à la peur de perdre son emploi ou à d’autres préoccupations pratiques. C’est cette peur spirituelle qui a pris le dessus et a fait de sa protestation “clairement le bon choix”, quelles que soient les conséquences. Le Prophète Muhammad (paix soit sur lui) a dit qu’Allah ne combine pas pour Ses serviteurs deux sentiments de peur ou deux sentiments de sécurité : s’Il le craint dans ce monde, Allah le mettra en sécurité dans l’au-delà ; s’Il se sent en sécurité par rapport à Lui dans ce monde, Allah le fera craindre dans l’au-delà. Pour Ibtihel, ne pas craindre les conséquences terrestres et se concentrer sur la crainte d’Allah a rendu son action nécessaire et juste à ses yeux.
Elle a souligné que travailler dur pour obtenir des diplômes, se hisser à un poste élevé et viser la promotion rend la décision de quitter ou de risquer son emploi “accablante”. C’est pourquoi elle a insisté sur le soutien mutuel et le recours à l’aide de collectifs.
La décision de partir, ou d’agir de manière à potentiellement mener à un départ, était le résultat d’une prise de conscience que son travail représentait un “soutien tacite” à ce que l’entreprise faisait, et que toute contribution alimentait le système qu’elle dénonçait.
Le Souffle d’Inspiration et l’Appel à l’Action Collective
Malgré les conséquences personnelles, l’action d’Ibtihel a eu un “effet d’entraînement”. Bien que l’objectif principal initial ait été de sensibiliser les employés de Microsoft et d’interpeller les dirigeants en interne, l’action a voyagé “à l’échelle mondiale”. Elle a inspiré des manifestations, des employés ont envoyé des courriels à leurs équipes, certains ont démissionné. De nombreuses personnes ont exprimé leur gratitude, soit pour avoir appris l’implication de Microsoft, soit pour avoir été inspirées à en parler ou à agir. Malgré quelques messages haineux, le soutien a été “largement” positif et source d’inspiration.
L’histoire d’Ibtihel est perçue comme un exemple de courage et de détermination pour de nombreux musulmans, en particulier les jeunes. Elle symbolise la possibilité d’utiliser sa position, quelle qu’elle soit, pour faire le bien et défendre les opprimés. L’idée que des personnes “ordinaires”, ne ressemblant pas à des héros traditionnels, puissent accomplir de “grandes choses” en cherchant le plaisir d’Allah est mise en avant. La préparation spirituelle avant l’action, la recherche du plaisir d’Allah, et même la recherche du pardon après l’action sont des aspects clés de l’approche du croyant.
Ibtihel et d’autres appellent à l’action les musulmans et les personnes de principe travaillant dans ces entreprises. Le message central est : vous n’êtes pas seuls. Beaucoup ressentent le même conflit. Il est crucial de s’unir, de mettre les voix et les idées ensemble pour “faire un changement ou sortir”. Naviguer dans cette situation est difficile seul, et il est encouragé de s’appuyer les uns sur les autres et sur des collectifs. Des groupes comme “No Azure for Apartheid” pour Microsoft et “No Tech for Apartheid” pour Google existent pour aider les employés à élaborer un plan d’action adapté à leur niveau de tolérance au risque et à leurs contraintes.
L’action, quelle qu’elle soit, même “moins visible”, est essentielle. Le silence et l’inaction peuvent également être une forme de complicité. Il est important de réfléchir, de collaborer et de trouver des moyens de faire entendre sa voix pour les habitants de Gaza.
Les revendications adressées à Microsoft sont claires : mettre fin à tous les contrats et partenariats Azure avec l’armée et le gouvernement israéliens, rendre publics tous les liens avec l’État, l’armée et l’industrie technologique israéliens, et mener un audit transparent et indépendant de ces liens.
Il y a un appel plus large à la communauté musulmane et aux personnes de principe : agir collectivement. Envoyer des messages forts de l’intérieur et de l’extérieur des entreprises : l’utilisation des produits technologiques que nous utilisons quotidiennement pour “tuer nos frères et sœurs” ne sera pas tolérée. Utiliser nos positions, qu’elles soient internes ou externes, pour faire changer les choses. Un message est également envoyé aux entreprises : si elles veulent attirer et retenir des talents musulmans, elles devront changer leurs pratiques. Des collaborations sont envisagées avec des personnes non musulmanes mais de principe pour s’assurer que ces entreprises ne s’en sortent pas impunément.
Enfin, un appel crucial est lancé à la communauté pour soutenir concrètement ceux qui prennent position et perdent leur emploi. La communauté doit “couvrir les siens”. Ceux qui sont en mesure d’embaucher sont exhortés à le faire. Lorsqu’une personne est pénalisée pour avoir fait ce qu’il faut, la communauté a la responsabilité de la récompenser pour cela.
L’Hadith sur l’abandon de quelque chose pour Allah étant remplacé par quelque chose de mieux est un pilier de cette démarche collective et individuelle. L’intention sincère (“niyyah”) de faire quelque chose pour l’amour d’Allah, en opposition à la complicité, peut apporter la “tranquillité” et la “confiance” nécessaires pour agir face aux sentiments d’angoisse ou de désespoir.
En fin de compte, Ibtihel Abou El Saad et d’autres rappellent que les sacrifices faits par les personnes qui prennent position, aussi difficiles soient-ils (perte d’emploi, risques de carrière, problèmes de visa), sont modestes comparés aux souffrances et aux sacrifices des habitants de Gaza. L’effort, la lutte (“jihad” au sens large) est nécessaire, et Allah guidera ceux qui s’efforcent dans Sa voie.
L’histoire d’Ibtihel Abou El Saad est celle d’une ingénieure qui, confrontée à un dilemme moral profond découlant de son travail et des actions de son employeur, a choisi de ne pas rester silencieuse, s’appuyant sur sa foi, ses principes et le soutien (même émergent) de sa communauté. Son acte a déclenché une onde de choc, inspirant d’autres et mettant en lumière la nécessité d’une plus grande responsabilité et transparence de l’industrie technologique, et le rôle crucial que peuvent jouer les employés et la communauté dans la promotion de la justice et des droits humains.
Sources : Entretien Ibtihel sur la chaine de Yaqeen Institute