📌Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Ahlem Bel Hadj Ammar. Après des études d’art à Lausanne, un premier cursus en cinéma à l’ECAL, puis un second en architecture végétale à Ceruleum, j’ai très vite été attirée par l’entrepreneuriat. J’ai lancé mon premier projet, Côté Parc, une boutique spécialisée dans la vente de plantes naturelles stabilisées.
Cette première aventure m’a donné envie d’explorer d’autres univers. J’ai ensuite cofondé 3 Pommes, une marque de chaises évolutives en bois pour bébés, inspirées du design scandinave. Aujourd’hui, je poursuis cette dynamique à travers Salammbô, un projet tuniso-suisse né de la complicité entre deux cousines passionnées de mode, de design et de patrimoine.
Avec Salammbô, nous avons voulu créer un pont entre la Tunisie et la Suisse, deux pays auxquels nous sommes chacune profondément attachées, et qui fêteront bientôt leurs 70 ans d’amitié. Nos créations, inspirées du charme de l’artisanat tunisien, se veulent à la fois contemporaines et solidaires, grâce aux partenariats que nous développons avec des artisans locaux. Salammbô incarne notre volonté de relier les cultures, de célébrer la joie de vivre tunisienne et de transmettre une image positive, vivante et authentique de notre pays.
📌Comment avez-vous construit votre carrière ?
J’ai construit ma carrière avec beaucoup de persévérance… et de patience. Rien n’a été simple ni linéaire. Le parcours entrepreneurial est exigeant : il demande d’oser, de se réinventer souvent, et d’apprendre à composer avec l’incertitude. On compte souvent plus d’échecs que de succès, mais l’essentiel est ailleurs. Il est dans la capacité à tenir bon, à croire en son projet même dans le doute, et à continuer à avancer malgré les obstacles.
J’ai toujours essayé de tracer mon propre chemin, sans chercher à reproduire ce qui existe déjà. Ce qui m’a guidée, c’est le sens que je donne à chacun de mes projets, leur cohérence avec mes valeurs, et cette envie constante de créer du lien – avec les gens, les cultures, les idées. Plus que des produits, j’ai toujours voulu proposer des expériences sincères, ancrées dans une histoire, un regard, un engagement.
📌Pourquoi avoir choisi ce domaine ?
Je suis quelqu’un de multi casquette, et c’est ce qui fait la richesse de mon parcours. Du côté entrepreneurial, mes projets ont toujours été liés à la création, ce qui n’est pas un hasard : j’ai fait des études d’art, et la création est pour moi essentielle, stimulante. Je ne peux évoluer que dans cet univers, où chaque projet est une nouvelle aventure, une manière d’exprimer une idée, une vision, un engagement.
Quant à mon engagement à la Chambre de Commerce et d’Industrie Tunisio-Suisse, il est venu naturellement après la création de Salammbô. J’y ai d’abord été élue secrétaire générale, puis présidente. Je n’ai jamais vraiment cherché ces fonctions, mais j’ai tout de suite été attirée par le challenge. Être à la tête d’une chambre de commerce, c’est une responsabilité majeure, un rôle exigeant — et pour une femme, c’est encore plus un défi dans un monde encore largement patriarcal.
Ce rôle m’a beaucoup appris, notamment sur moi-même, sur ma capacité à rester fidèle à mes valeurs, même dans un univers parfois très codifié. Heureusement, j’ai la chance d’avoir un comité exécutif qui croit en moi et me soutient pleinement. Cette expérience est un équilibre entre engagement professionnel, détermination, et authenticité.
📌Quels sont vos projets et ambitions pour l’avenir ?
Mon principal projet est de faire de Salammbô une marque éco-responsable, qui valorise l’artisanat tunisien et le fait rayonner en Suisse, mais aussi en Europe. C’est important pour moi que ce projet soit durable, respectueux des personnes et de l’environnement, tout en restant fidèle à l’authenticité et à la richesse culturelle tunisienne.
Du côté de la Chambre de Commerce et d’Industrie Tunisio-Suisse, mon ambition est de développer davantage d’événements en Suisse pour promouvoir la Tunisie, ses atouts et ses talents. C’est un véritable défi que je souhaite relever avec énergie et passion.
📌Y a-t-il un moment ou un événement qui a marqué un tournant dans votre vie ?
Je crois qu’il y a eu plusieurs moments clés, chacun à sa manière porteur de sens et d’apprentissage. Le premier, c’est la création de ma première entreprise. Ce fut le moment où j’ai pris conscience de ma propre capacité à construire, à inventer mon chemin. Ce fut aussi le début d’une forme d’indépendance, mais surtout d’un parcours intense et passionnant qui m’a beaucoup appris sur moi-même, sur mes forces et mes limites.
Le deuxième tournant, c’est l’arrivée de ma fille dans ma vie. Elle a bouleversé mes repères, m’a obligée à jongler entre vie privée et professionnelle, à chercher cet équilibre si fragile. Elle est devenue une source de motivation puissante : je veux lui montrer, par l’exemple, qu’une femme peut à la fois être ambitieuse et fidèle à ses valeurs. Je souhaite qu’elle me regarde un jour avec fierté, non pas pour ce que j’ai accompli, mais pour la femme que je suis.
Enfin, le troisième moment décisif a été ma nomination à la présidence de la Chambre de Commerce et d’Industrie Tunisio-Suisse. Ce fut un véritable défi, un saut dans l’inconnu. Je n’avais aucune idée précise de ce que cela impliquerait, mais j’ai appris sur le terrain, avec humilité et détermination. Ce rôle m’a offert l’opportunité de rencontrer des personnes extraordinaires, de me dépasser, et de contribuer à quelque chose de plus grand que moi. C’est une expérience que je trouve profondément stimulante et enrichissante.
Ces moments, bien que très différents, ont en commun de m’avoir transformée. Ils m’ont enseigné que chaque étape, chaque défi, est une invitation à grandir, à mieux se connaître et à avancer avec authenticité.
📌Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent réussir
Si je peux me permettre un petit conseil, même si je n’ai pas de recette miracle ni de leçon à donner — car chacun suit son propre chemin avec ses victoires et ses défaites — je dirais surtout de ne pas chercher à ressembler aux hommes.
Nous avons en nous des forces uniques, notamment une grande capacité d’écoute et une profonde empathie. Ces qualités, parfois sous-estimées, peuvent devenir des leviers puissants dans une carrière.
Bien sûr, sans vouloir vexer personne, les hommes ont souvent un fonctionnement différent, plus centré sur l’ego, tandis que nous, les femmes, pouvons utiliser notre sensibilité et notre intuition pour avancer autrement.
Je crois que c’est en restant fidèle à ces forces propres que chaque femme peut trouver sa voie et s’épanouir pleinement, plutôt qu’en cherchant à calquer un modèle qui ne lui correspond pas.
📌Comment percevez-vous la place de la femme dans votre domaine et dans votre pays ?
Dans le monde de l’entrepreneuriat, la femme a aujourd’hui une place bien réelle et de plus en plus visible. On observe de nombreuses femmes entrepreneures qui font preuve de créativité, de résilience et d’un dynamisme impressionnant. Leurs parcours sont riches et inspirants, et elles contribuent pleinement au développement économique.
Cela dit, je reste consciente d’une réalité qui existe encore : certains secteurs, notamment ceux liés aux instances institutionnelles comme les chambres de commerce et d’industrie, restent des univers majoritairement masculins. En tant que présidente d’une chambre bilatérale, je suis aujourd’hui la seule femme à occuper ce poste dans ce type d’organisation.
C’est un constat qui m’encourage à souhaiter voir, à l’avenir, davantage de femmes prendre la tête de ces structures, afin de renforcer la diversité et bénéficier d’une richesse de perspectives essentielle.
Je suis convaincue que cette évolution est possible, à condition de continuer à valoriser le talent et la compétence sans distinction de genre.
📌Que pensez-vous du site ?
Ce que j’aime sur Le Monde Féminin, c’est cette énergie positive et inspirante qui se dégage de chaque portrait. On y découvre des femmes aux parcours uniques, qui osent, qui innovent, qui apportent leur lumière dans le monde, souvent avec beaucoup de courage et d’authenticité. C’est un vrai souffle d’espoir et de motivation au quotidien.
Ce site réussit à célébrer la diversité et la force des femmes avec beaucoup de bienveillance, sans jamais tomber dans le cliché ou la caricature. On ressent que chaque histoire est racontée avec respect et passion, ce qui donne envie de se connecter à ces parcours et de puiser de l’énergie pour avancer soi-même.
Pour moi, Le Monde Féminin, c’est comme un rendez-vous feel-good, où on se rappelle que chaque femme a un potentiel incroyable à révéler, et que la solidarité et l’écoute peuvent vraiment faire la différence. C’est un espace d’inspiration qui fait du bien, et ça fait du bien tout court.
📌Un dernier message à partager avec votre audience ?
Pour conclure, j’aimerais citer la reine Didon, fondatrice légendaire de Carthage, une femme de courage et de sagesse qui a su bâtir une cité prospère dans un monde d’hommes. Son histoire nous rappelle que la force, la détermination et la clairvoyance sont des qualités essentielles pour toute femme qui souhaite laisser sa marque. À toutes les femmes qui nous lisent, je dirais : osez croire en votre valeur unique, cultivez votre force intérieure, et n’oubliez jamais que chaque pas, même le plus petit, construit le chemin vers vos rêves. Nous portons toutes et tous, à travers notre histoire et notre culture tunisienne, cette capacité à rayonner à l’international et à transformer les défis en opportunités. Comme nous le voyons aujourd’hui, dans différents domaines, il y a toujours des Tunisiennes et des Tunisiens qui brillent et inspirent.
Comme le dit si bien l’explorateur suisse Mike Horn, « Les défis ne sont pas faits pour nous arrêter, mais pour nous pousser à aller plus loin ». Que ce message accompagne chacune et chacun dans son parcours.
Entretien réalisé par Aziz HARCHA
Juin 2025